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HAS : quand la santé durable devient un pilier stratégique du système de soins français

  • oliviertoma
  • il y a 7 jours
  • 4 min de lecture


Il y a encore cinq ans, parler de « développement durable » au sein d’un comité de direction hospitalier relevait souvent du militantisme. Aujourd’hui, c’est un axe stratégique.La Haute Autorité de Santé (HAS), gardienne de la qualité et de la sécurité des soins en France, vient de le confirmer dans son plan stratégique 2025-2030 : la durabilité environnementale entre officiellement dans le cœur du modèle sanitaire français.Autrement dit, la question n’est plus « faut-il s’y mettre ? », mais « comment y aller vite et bien ? »

🩺 Une évolution de fond : du soin efficace au soin durable

Depuis sa création, la HAS a centré son action sur la qualité, la pertinence et la sécurité des soins. Mais face à la crise climatique, à l’épuisement des ressources et à la dégradation des conditions environnementales, elle reconnaît désormais que la performance clinique n’a plus de sens sans efficience écologique et sociale.

Le plan 2025-2030 pose clairement cette ambition :

« Contribuer à un système de santé résilient, durable et inclusif, respectueux des ressources humaines et naturelles. »(Source : HAS, Stratégie 2025-2030, publiée en avril 2025)

Ce changement de paradigme s’inscrit dans un mouvement international : l’OMS, la Commission européenne et de nombreuses autorités sanitaires convergent pour relier santé publique, climat et environnement. En France, la HAS fait un pas décisif : elle inscrit l’empreinte écologique du soin dans la qualité même de la prise en charge.


Trois piliers : efficience, sobriété et résilience

Cette nouvelle orientation s’articule autour de trois dimensions clés :

  1. L’efficience écologique des soinsRéduire les impacts environnementaux des activités médicales devient un indicateur de performance. Cela inclut : la consommation d’énergie, la gestion de l’eau, les déchets, l’usage des plastiques, mais aussi la mobilité des patients et professionnels.👉 La HAS invite les établissements à mesurer leurs impacts, à suivre leurs progrès et à valoriser les actions correctrices dans les démarches de certification.

  2. La sobriété matérielle et énergétiqueLe modèle du « tout jetable » et de la surconsommation d’équipements à usage unique est remis en question. La HAS soutient une logique d’éco-conception des soins : repenser les pratiques pour limiter les actes inutiles, prolonger la durée de vie des dispositifs, privilégier la maintenance, le reconditionné, et les circuits courts.

  3. La résilience face aux aléas climatiquesLes établissements de santé sont en première ligne face aux vagues de chaleur, aux inondations, aux pénuries d’eau ou de médicaments. La HAS appelle à des plans d’adaptation intégrés : continuité électrique, gestion de l’air intérieur, protection des personnels, anticipation des flux logistiques.👉 La durabilité devient ici synonyme de sécurité sanitaire à long terme.


Ce que cela change pour les établissements de santé

Cette orientation modifie en profondeur la gouvernance hospitalière :

  • La RSE ne relève plus d’une démarche « annexe » mais d’une obligation de pilotage stratégique.

  • Les objectifs environnementaux devront être documentés, mesurés et suivis comme les indicateurs qualité ou sécurité des soins.

  • Les équipes techniques, achats, hygiène, pharmacie et logistique sont appelées à travailler ensemble sous une logique transversale One Health : la santé humaine, environnementale et organisationnelle ne font qu’un.


Concrètement, la HAS propose un cadre d’action inspiré des retours du terrain :

  • Audit des consommables et des plastiques à usage unique : identifier les postes à fort impact et engager une substitution progressive.

  • Évaluation des émissions internes : cartographier les sources d’émission (gaz médicaux, énergie, mobilité, restauration) et définir des trajectoires de réduction alignées sur la Stratégie nationale bas-carbone.

  • Plan d’adaptation climatique : évaluer la vulnérabilité du site (température, risques d’inondation, dépendance énergétique) et formaliser un plan de continuité d’activité durable.

  • Cartographie de la chaîne d’approvisionnement : identifier les risques environnementaux et sociaux liés aux fournisseurs, notamment sur les produits de santé, textiles, restauration et maintenance.

L’objectif : faire de chaque établissement un acteur de la santé durable, capable de soigner sans nuire.


Et pour les industriels, fournisseurs et prestataires ?

La transformation impulsée par la HAS rejaillit sur toute la chaîne de valeur.Les entreprises du médicament, des dispositifs médicaux, du nettoyage, de l’énergie, du numérique ou de la restauration collective devront adapter leurs offres et prouver leur engagement environnemental.

Les directions achats hospitalières, soutenues par les centrales d’achat publiques et privées, demanderont désormais :

  • des produits à faible empreinte carbone,

  • des emballages réduits ou recyclés,

  • des garanties de traçabilité environnementale et sociale,

  • et des engagements mesurables (labels, certifications, trajectoires climat).

👉 Autrement dit : la durabilité devient un critère de sélection commerciale.Les fournisseurs qui intégreront l’éco-conception, la sobriété énergétique et la logistique responsable dans leurs propositions auront une longueur d’avance.


Une opportunité pour repenser la performance

Cette mutation n’est pas qu’une contrainte : c’est une formidable opportunité d’innovation et d’efficience.Un soin éco-conçu est souvent plus simple, plus pertinent et plus économique : moins d’actes redondants, moins de transport, moins de gaspillage.Les études internationales (notamment britanniques et canadiennes) montrent que les hôpitaux ayant engagé une transition écologique réduisent en moyenne de 12 à 18 % leurs coûts d’exploitation sur dix ans, tout en améliorant la satisfaction des équipes.

En France, les premiers établissements labellisés THQSE (Très Haute Qualité Sanitaire, Sociale et Environnementale) démontrent déjà que la santé durable peut allier qualité, attractivité et rentabilité.La HAS ne fait que généraliser ce mouvement, en en faisant un pilier du modèle national.



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En intégrant la durabilité dans son plan stratégique, la HAS envoie un message clair : soigner durablement, c’est soigner mieux.La RSE n’est plus un supplément d’âme, mais une exigence de rigueur, de cohérence et d’éthique.C’est aussi une invitation à réenchanter la mission de soin : prendre soin des patients, des équipes… et de la planète qui rend tout cela possible.

Le défi ? Passer de la conformité à la culture.Et là, chaque établissement, chaque soignant, chaque fournisseur a un rôle à jouer : faire en sorte que la santé durable ne soit plus un projet, mais une évidence.

📚 Sources :

  • Haute Autorité de Santé, Stratégie 2025-2030 (avril 2025)

  • OMS Europe, Health systems resilience and climate action (2024)

  • Ministère de la Santé – Feuille de route nationale Santé-Environnement 2024-2028

  • Primum Non Nocere – THQSE® : vers la santé durable (2024)

 
 
 

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