Transition écologique : l’argent coule… mais ne ruisselle pas encore jusqu’à la santé
- oliviertoma
- il y a 11 heures
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Chaque automne, un rapport passe souvent inaperçu du grand public, mais il dit tout : combien la France investit vraiment dans la transition écologique. Cette année, la SPAFTE 2025 (Stratégie Pluriannuelle des Financements de la Transition Écologique) est parue dans une relative indifférence. Et pourtant, elle fixe la trajectoire : 48,9 milliards d’euros de dépenses publiques en 2026, soit 2,8 milliards de plus qu’en 2025.
L’État met donc la main à la poche, et les opérateurs suivent : AFD, ADEME, agences de l’eau, SNCF Réseau, bailleurs sociaux… Les tuyaux sont pleins, les fonds disponibles.Mais une question demeure : où va cet argent, qui en bénéficie vraiment, et comment mesure-t-on les résultats ?
Un labyrinthe budgétaire aux effets dilués
Le rapport est clair : l’essentiel des investissements doit désormais venir du privé — 82 milliards d’euros supplémentaires par an d’ici 2030, dont 69 milliards issus des acteurs économiques. L’État n’a plus les moyens de tout financer : son rôle est d’orienter, d’inciter, de garantir.
Mais entre aides fiscales, subventions, avances, dispositifs européens et plans régionaux, la cartographie des financements ressemble à un labyrinthe administratif. Et dans ce dédale, les établissements de santé se perdent.
Hôpitaux publics, cliniques, EHPAD, ESAT, MAS, structures médico-sociales… Tous pourraient accéder à des aides : rénovation énergétique, achat d’équipements sobres, gestion de l’eau, réduction des déchets, formation à la RSE. Mais chacun dépend de dispositifs différents, selon son statut, son territoire, son réseau ou sa tutelle. Résultat : les plus petits restent sur le bord du chemin, faute de temps, d’ingénierie, ou simplement de lisibilité.
Quand l’intention dépasse l’impact
La France a inventé un outil remarquable : le Budget vert, qui classe chaque dépense publique selon son impact environnemental. En théorie, il permet d’orienter l’argent vers les projets les plus vertueux. En pratique, il reste trop éloigné du terrain.
Le rapport le dit en filigrane : on sait combien on dépense, mais pas assez ce que cela change concrètement. Combien d’émissions évitées ? Combien de ressources économisées ? Combien de pratiques modifiées ? Ces réponses manquent encore.
Et c’est précisément là que le secteur de la santé peut jouer un rôle décisif : celui de territoire d’expérimentation et de mesure. Car la santé, par nature, sait évaluer : elle mesure, trace, compare, ajuste. Si l’on appliquait la même logique à la transition, on avancerait beaucoup plus vite.
Trois leviers — et un bonus — pour que la santé prenne sa part
1. Former massivement, partout, tout le monde
Aucun plan de transition ne réussira sans un plan massif de formation.Former les directeurs à piloter la RSE, les acheteurs à évaluer les externalités, les soignants à éco-concevoir leurs actes, les ingénieurs à réduire les consommations d’eau et d’énergie.
Aujourd’hui, les financements existent ,mais le savoir-faire manque. On investit dans des pompes à chaleur, des LED, des véhicules électriques… sans former ceux qui en assureront la maintenance, le suivi ou la pertinence d’usage.C’est un non-sens. La première brique de la transition, c’est la compétence.
2. Créer un guichet unique pour la santé durable
Face au maquis des dispositifs, la solution est simple : un guichet unique “santé & transition”.Une porte d’entrée claire, commune à tous les statuts, tous les territoires, toutes les tailles d’établissement. Un guichet qui dirait : “voici les aides auxquelles vous avez droit, selon votre situation”.
Un tel outil éviterait les doublons, accélérerait les dépôts de dossiers, et surtout, donnerait de la visibilité à ceux qui veulent agir. Car les directions d’établissement n’ont pas besoin de plus de réglementations : elles ont besoin de clarté et d’accès.
3. Financer l’éco-conception des parcours de santé
Le rapport met beaucoup l’accent sur le bâti et les infrastructures. C’est nécessaire, mais pas suffisant.La véritable révolution, c’est de penser en termes de parcours.
Réduire les hospitalisations évitables, limiter les transports inutiles, éviter les redondances d’examens, privilégier l’hospitalisation à domicile (HAD) quand c’est possible.Chaque acte, chaque déplacement, chaque prescription a une empreinte carbone, énergétique, hydrique. Éco-concevoir les parcours, c’est mieux soigner en dépensant moins, humainement, économiquement, écologiquement.
Bonus : mesurer l’empreinte hydrique, piloter un “Plan Vert”
L’eau est la grande oubliée de la transition en santé.Chaque établissement devrait mesurer son empreinte hydrique, publier ses résultats, et viser une réduction de 30 % d’ici 2030.Ce n’est ni complexe, ni coûteux : c’est un levier immédiat, mesurable, mobilisateur.
On pourrait même aller plus loin : tester, à l’échelle d’un bassin de population, un “Plan Vert pour l’urgence climatique”, combinant gestion de l’eau, de l’énergie, des déchets et des achats responsables.L’impact serait concret, visible, reproductible.
De la dépense à la transformation
La SPAFTE 2025 montre que les moyens existent. Ce qui manque désormais, c’est la cohérence et l’évaluation.Former, orienter, éco-concevoir, mesurer : voilà le vrai quadriptyque de la réussite.
Le secteur de la santé, souvent perçu comme un consommateur de ressources, peut devenir un modèle de résilience et d’efficacité.Il suffit de changer de regard : passer d’une logique de dépense à une logique d’investissement mesurable.Car en matière de transition, chaque euro bien dépensé est un euro qui soigne, préserve et prépare l’avenir.
👉S



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