Santé environnementale : vingt ans de plans, et après ?
- oliviertoma
- il y a 5 heures
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Vingt ans de plans nationaux, des centaines d’actions menées, des millions d’euros investis… et pourtant, la santé environnementale reste une politique publique sans pilote clair, souvent fragmentée, parfois invisible. C’est le constat, lucide, dressé par la dernière publication du Haut-Commissariat au Plan : Les politiques publiques de santé environnementale, mise en ligne fin octobre 2025.
Le rapport rappelle un fait que l’on préfère parfois oublier : les facteurs environnementaux seraient responsables, dans les pays développés, d’autant de décès que le tabac. L’air que nous respirons, l’eau que nous buvons, les sols qui nourrissent nos cultures et même les produits que nous appliquons sur notre peau sont aujourd’hui chargés de substances chimiques, de microplastiques ou de polluants dits « éternels ».
La France ne part pas de rien. Depuis 2004, quatre Plans Nationaux Santé Environnement (PNSE) se sont succédé, avec des déclinaisons régionales censées adapter les priorités aux territoires. Le dernier en date, le PNSE4 (2021-2025), s’intitule « Un environnement, une santé ». Il marque un tournant dans la prise de conscience : relier le dérèglement climatique, la santé publique et les inégalités sociales. Sur le papier, tout est là : transversalité, indicateurs, feuille de route.Mais sur le terrain, les effets restent difficilement mesurables. Les rapports se succèdent, les acteurs se multiplient, les financements se dispersent, et l’évaluation globale des vingt années de PNSE reste un impensé. Qui peut aujourd’hui dire, chiffres à l’appui, quels gains sanitaires ont été obtenus ? Quels polluants ont réellement diminué ?
« La santé environnementale est restée trop longtemps marginalisée », admet le Haut-Commissariat au Plan. Autrement dit : elle a souvent été la grande oubliée des arbitrages politiques.
Former, piloter, évaluer, agir : les quatre leviers d’un changement de cap
La première urgence est culturelle : former. Comment espérer faire de la prévention si nos médecins, nos sages-femmes, nos infirmiers, nos pharmaciens et nos ingénieurs hospitaliers ne sont pas formés aux déterminants environnementaux de la santé ? La santé environnementale devrait devenir un module obligatoire dans tous les cursus initiaux et continus des professions de santé. Comprendre les expositions, savoir interroger le cadre de vie d’un patient, repérer les signaux faibles : voilà ce qui permettra demain de prévenir au lieu de subir.
Deuxième levier : piloter. Le rapport pointe la dispersion des responsabilités entre une vingtaine d’acteurs publics, six ministères, et autant de structures consultatives. Pour qu’une politique publique soit efficace, elle doit être incarnée. D’où la nécessité d’un pilote national — une instance rattachée à la fois au ministère de la Santé et à celui de la Transition écologique — dotée d’objectifs chiffrés, de moyens identifiés et d’une obligation d’évaluation. Sans cela, les PNSE resteront des catalogues de bonnes intentions.
Troisième levier : évaluer. En vingt ans, des millions d’euros ont été dépensés, mais aucun bilan consolidé n’a été rendu public. Qu’avons-nous appris ? Quelles actions ont fonctionné ? Quelles autres ont échoué ? La transparence n’est pas une menace ; elle est la condition de la crédibilité.
Enfin, la santé environnementale doit s’incarner dans le quotidien des Français : réduire concrètement les expositions aux produits chimiques, aux perturbateurs endocriniens, aux PFAS, aux microplastiques, au bruit. Cela passe par une alimentation plus sûre, une eau potable réellement contrôlée, des cosmétiques sans substances nocives, et un air intérieur enfin pris au sérieux.
Sortir du court-termisme : penser la santé à 2050
Tant que la santé environnementale dépendra d’un budget annuel voté dans le PLFSS, elle restera soumise aux vents politiques. Il est temps d’adopter une politique de santé du long terme, avec une vision à l’horizon 2040-2050.Quelle société voulons-nous ? Quelle part des maladies chroniques pouvons-nous réellement éviter ? Quel niveau d’exposition jugerons-nous acceptable pour nos enfants ?
Une stratégie nationale digne de ce nom devrait fixer un cap clair, aligner les financements, anticiper les risques futurs et mobiliser tous les acteurs autour d’un même objectif : garantir à chaque citoyen un environnement qui protège sa santé au lieu de la fragiliser.
De la conscience à l’action
La France a les compétences, la recherche, les données, les outils. Ce qui lui manque, c’est un élan collectif.La santé environnementale ne relève ni du seul ministère de la Santé, ni de celui de l’Écologie : elle relève de tous. C’est à la fois une question de gouvernance, de culture, et de courage politique.



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