Un “GIEC” pour la pollution : quand la science se met au chevet des produits chimiques et des déchets
- oliviertoma
- 17 août
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Il aura fallu plus de trois ans de discussions, de débats diplomatiques et de négociations serrées pour que l’idée devienne réalité. En juin 2025, à Nairobi, les États membres des Nations unies ont officiellement créé un nouveau panel intergouvernemental : l’ISP-CWP, pour Intergovernmental Science-Policy Panel on Chemicals, Waste and Pollution. Son nom est encore peu connu, mais son ambition est immense : devenir pour la pollution chimique ce que le GIEC est pour le climat, ou l’IPBES pour la biodiversité.
Une troisième crise planétaire enfin reconnue
Depuis des décennies, la pollution liée aux substances chimiques, aux déchets et aux plastiques progresse dans l’ombre, moins médiatisée que le réchauffement climatique ou l’effondrement de la biodiversité. Pourtant, elle tue. Les chiffres donnent le vertige : près de 9 millions de décès prématurés chaque année seraient liés à la pollution, selon The Lancet. Produits chimiques persistants, plastiques, métaux lourds, déchets toxiques… Le cocktail est planétaire, et ses conséquences frappent la santé humaine autant que les écosystèmes.
Avec ce nouveau panel, la communauté internationale reconnaît que la pollution est bien la “troisième crise environnementale mondiale”.
Une mission claire : faire le lien entre science et politique
À quoi servira concrètement ce nouveau “GIEC de la pollution” ? Sa mission première sera de réunir les meilleures connaissances scientifiques disponibles, de les évaluer et de les rendre compréhensibles pour les décideurs politiques. Comme le GIEC l’a fait en rendant incontestable le diagnostic climatique, l’ISP-CWP devra produire des rapports de référence sur l’état de la pollution chimique et des déchets, mais aussi identifier les menaces émergentes. PFAS — ces “polluants éternels” qui contaminent l’eau et les sols —, microplastiques, polluants organiques persistants, antibiorésistance liée à la pollution… Autant de sujets qui devraient figurer parmi ses priorités.
Le panel ne sera pas seulement réactif, il devra aussi être prospectif : capter les signaux faibles, anticiper les risques, alerter les gouvernements avant qu’il ne soit trop tard.
Des moyens encore modestes, mais une forte symbolique
Le secrétariat du panel sera assuré par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE). Le budget initial, estimé à 8 millions de dollars, reste modeste au regard des enjeux. Mais le symbole est puissant : les Nations unies donnent un statut officiel à la lutte contre la pollution, et placent la science au centre du débat.
La question sensible des conflits d’intérêts
Derrière l’enthousiasme, une vigilance s’impose. Le secteur chimique est l’un des plus puissants au monde, et l’histoire regorge d’exemples où l’industrie a cherché à freiner la régulation. Dès 2023, plusieurs ONG avaient dénoncé la présence de représentants de multinationales comme Chevron, Veolia ou encore de fédérations industrielles au sein d’un groupe consultatif technique du PNUE. Un signal d’alarme qui oblige aujourd’hui à penser des règles strictes : transparence, déclaration des intérêts, voire exclusion totale de certaines parties prenantes, à l’image de ce que l’OMS a fait dans sa convention contre le tabac. La crédibilité du panel en dépend.
Un calendrier qui s’accélère
L’histoire a commencé en 2022, quand l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement a adopté une résolution appelant à la création de ce panel. Après plusieurs sessions préparatoires, le texte fondateur a été adopté en juin 2025. La première plénière du panel devrait se tenir d’ici quelques mois, avec pour objectif de définir son mode de fonctionnement, son bureau scientifique et les premiers thèmes de rapport.
Vers un triptyque mondial : climat, biodiversité, pollution
Avec le GIEC, l’IPBES et désormais l’ISP-CWP, les trois grandes crises planétaires — climat, biodiversité, pollution — disposent chacune d’une interface science-politique dédiée. Le défi sera de faire dialoguer ces panels entre eux, car les crises s’alimentent mutuellement. La pollution fragilise les écosystèmes, qui eux-mêmes perdent en résilience face au climat.
Un signal fort pour la santé et les générations futures
Pour les acteurs de la santé et de la RSE, la création de ce “GIEC de la pollution” est une nouvelle d’importance. Elle signifie que les États reconnaissent enfin que l’enjeu n’est pas seulement environnemental mais aussi sanitaire, social et économique. Les premières publications du panel seront scrutées de près : elles pourraient devenir les boussoles de politiques publiques ambitieuses, mais aussi de stratégies d’entreprises responsables.
En un mot, ce panel est une opportunité historique : transformer la science en levier de décision, donner de la visibilité à des pollutions trop longtemps invisibles, et placer la santé des générations futures au cœur de l’action internationale.
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